ONBA à Périgueux dans un programme convenu…

L’ Orchestre National Bordeaux-Aquitaine interprètera dimanche 29 janvier à 15 h au Théâtre de Périgueux la symphonie n° 9, dite du « Nouveau Monde », d’Antonin Dvorak sous la direction d’Andris Poga. L’orchestre accompagnera aussi David Kadouch, jeune pianiste français, dans le concerto pour piano et orchestre d’Edvard Grieg.

S’il serait malvenu de critiquer les interprètes, tous de talent, aussi bien dans l’orchestre qu’au niveau du chef et du soliste, il n’est pas inutile de souligner le manque d’audace des responsables de la programmation de l’ONBA et des institutions locales qui achètent un concert aussi convenu.

Tarifs : plein, 22 euros ; réduit, 20 euros ; abonnés, 18 euros ; jeunes, 8 euros. Pour tout renseignement et les réservations, tél. 05 53 53 18 71.

Floremon

Gustav Leonhardt au paradis des clavecinistes..

Le Monde

Le 12 décembre 2011, le Théâtre des Bouffes du nord, à Paris, était empreint d’une atmosphère aussi lourde qu’irréelle : le froid humide à l’extérieur, les lumières tamisées de cette belle salle artistement décrépite, un clavecin posé sur deux tréteaux, comme un catafalque dans une chapelle ardente. Gustav Leonhardt, l’immense claveciniste, organiste, musicologue et chef d’orchestre, y donnait ce que beaucoup devinaient être son dernier récital.

Ce le fut. Le lundi 16 janvier, le musicien hollandais a succombé, à 83 ans, au cancer qui le minait depuis quelque temps. Celui qui fut l’un des « papes » de la musique des XVIIe et XVIIIe siècles s’est éteint à Amsterdam, la ville où il résidait avec son épouse, la violoniste Marie Leonhardt, dans une maison splendide de 1617, sur le Herregracht, où rien n’avait été modifié depuis 1750 et où trônait, dans une grande pièce donnant sur un jardin, sa collection d’instruments anciens.

 La veille de son dernier concert, à la Cité de la musique, alors que Jordi Savall rendait hommage à son épouse défunte, la soprano Montserrat Figueras, le bruit courait à l’entracte, confirmé par l’un de ses proches : le claveciniste était malade, très malade, et ce concert, dont peu pensaient qu’il parviendrait à l’assurer, serait sa dernière apparition publique. On y est allé, bien sûr. Pour entendre une dernière fois celui qu’on avait entendu si souvent, au clavecin, à l’orgue, à la baguette, et qu’on avait autrefois connu et fréquenté.

Dans le public, où se trouvait la crème des « baroqueux », les mines étaient déconfites, le chagrin visible sur les visages de quelques-uns de ses élèves français, venus pour ce dernier soir. Pourtant, il y avait aussi, devant le premier rang, assis à même le plancher, sur de gros coussins, de très jeunes gens anonymes, visiblement fascinés par la figure aristocratique de cet homme à l’expression sévère, qui en imposait à beaucoup tout en étant l’amabilité et l’urbanité mêmes.

Ces jeunes gens étaient sûrement des clavecinistes ou organistes venus, comme tant d’autres générations de musiciens avant eux, écouter celui dont on peut dire qu’il fut le plus grand claveciniste du XXe siècle, et dont l’importance demeure, en ce répertoire, bien supérieure à celle de Wanda Landowska et peut être comparée à celle des plus grands pianistes.

Car Leonhardt était, dans l’austérité essentielle qui le caractérisait, moins l’équivalent d’un Glenn Gould que celui d’un Sviatoslav Richter, le grand pianiste russe aux lumineuses gammes de gris, ou Serge Rachmaninov, compositeur expansif mais interprète d’une probité presque corsetée.

D’ailleurs, Leonhardt, qui détestait presque tout de la musique des XIXe et XXe siècles (il jugeait Beethoven trop héroïque, Schubert trop sentimental) et de leurs interprètes (Herbert von Karajan n’était pas, selon lui, un bon musicien), disait admirer Rachmaninov jouant sa propre musique au piano. On pourrait aussi dire, en une simple formule, que Leonhardt fut à Jean-Sébastien Bach, dont il était un interprète majeur et supérieurement inspiré, ce que le pianiste Arthur Schnabel était aux sonates de Beethoven.

Grand et filiforme, Leonhardt le semblait plus encore ce 12 décembre. Et ce fut un choc pour ceux qui ne l’avaient pas vu depuis quelque temps : le Hollandais paraissait squelettique et hagard. Une fois assis, après un bref salut, le claveciniste aux doigts protégés de mitaines (il les portait depuis une opération à la main il y a quelques années) devait donner une première partie qui, péniblement, confirmait son état de faiblesse physique : beaucoup d’accrocs (Leonhardt en a toujours commis et il avait chaque fois, après une fausse note, cette manière assez plaisante de regarder ses doigts d’un air hautain, comme si, à son corps défendant, ils étaient eux seuls responsables des fautes commises) et surtout un manque de tonus qui ne donnait de lui qu’une image sonore faussée du jeu splendidement royal qui fut le sien.

Après une longue série de pièces (allemandes, françaises et britanniques), enchaînées sans applaudissements, Leonhardt se releva lentement de son siège, se soutenant des deux bras. Puis il fit quelques pas vers la coulisse, s’arrêta pour se soutenir quelques instants, qui parurent une éternité, au chambranle du cadre de scène. Cette image restera notre dernier souvenir de lui.

Olivier Mantéi, le codirecteur du Théâtre des Bouffes du Nord (une salle dont Leonhardt aimait l’atmosphère), ne nous l’a pas dit ce soir-là, mais, il nous l’a confié au téléphone, dans la soirée du 17 janvier : avant de commencer le concert, Gustav Leonhardt lui avait annoncé, dans une glaçante simplicité, qu’il s’agirait de son dernier. Et demandé à pouvoir quitter les lieux discrètement sans recevoir quiconque à l’issue de celui-ci.

Le pianiste Philippe Cassard, qui vient de publier une série d’entretiens passionnants sur les rapports entre musique et cinéma (Deux temps, trois mouvements, un pianiste au cinéma. Entretien avec Marc Chevrie et Jean Narboni, Capricci/France Musique, 2011), a dénoncé la manière froide et mécanique qu’ont eue Jean-Marie Straub et Danièle Huillet de représenter la musique baroque à l’écran dans leur film Chronique d’Anna Magdalena Bach (1967), avec un Leonhardt emperruqué incarnant Jean-Sébastien Bach soi-même : « Cette joie, cette jouissance, et la manière dont elle habite les musiciens, la caméra des Straub ne les montre jamais. »

Car Leonhardt, au jeu acéré mais d’une souplesse merveilleusement ordonnée, n’était qu’en apparence un austère rigoriste (et qui l’avait un peu fréquenté savait son goût pour des plaisanteries parfois lestes, le bon vin, les jolies femmes et les belles automobiles). Au fond, c’est davantage à la tonicité janséniste de Robert Bresson que son jeu faisait penser, comme l’a justement écrit naguère notre confrère Jacques Drillon qui lui a consacré un essai (Sur Leonhardt, Gallimard, 2009).

Si l’interprétation par Leonhardt des oeuvres vocales (les cantates de Bach en particulier, dont il a cosigné, avec Nikolaus Harnoncourt, la première intégrale au disque sur instruments anciens) péchait parfois par son refus absolu de l’expressivité immédiate, l’élégance extraordinaire qu’il mettait en toute chose – y compris en sa pratique des idiomes étrangers, dont le français, la langue du XVIIIe siècle, qu’il parlait avec aisance – donnait mille fois raisons à Paul Morand qui écrivit, dans son Journal, ces mots qui conviennent si bien à l’art aristocratique du musicien : « Le beau, c’est le vrai bien mis. »

Renaud Machart

Si vous ne deviez écouter qu’un seul disque de lui…

En novembre 2002, Gustav Leonhardt nous avait confié : « Je continue de trouver paradoxale la situation consistant à enregistrer de la musique dans une église froide, sans public, face à un microphone… (…). Mais, enfin, je suppose que les disques sont aussi quelque chose que j’aime faire malgré moi. S’ils sont beaux, ce n’est pas à moi de le dire. » On le dira donc : ils le sont, pour la plupart, et essentiels. On conseillera, à qui ne connaît pas l’art du Hollandais, quelques écoutes prioritaires au sein de sa très riche discographie : sa troisième version (1976) des Variations Goldberg de Bach (Deutsche Harmonia Mundi), les dernières cantates de l’intégrale pour Telefunken (Warner), son disque de suites d’orchestre de Jean-Philippe Rameau (Philips Classics) et son double programme, à l’orgue et au clavecin (œuvres de Frescobaldi, Louis et François Couperin, Muffat, Blow, Marchand, Abraham Van den Kerckhoven), pour Alpha.

Dans l’antre de Pierre Henry au moment de cuisiner

LEMONDE | 16.01.12 | 14h14

Le compositeur Pierre Henry dans son studio à Paris, en décembre 2008.

Le compositeur Pierre Henry dans son studio à Paris, en décembre 2008.AFP/STÉPHANE DE SAKUTIN
Sur le trottoir d’une petite rue du 12e arrondissement de Paris, une caméra de télévision fixe un grand portail noir, dimanche 15 janvier, en fin de matinée, mais nul ne s’en inquiète. Les gens du quartier ont l’habitude de voir du monde devant la maison du compositeur Pierre Henry.

Exiguë mais élevée sur trois niveaux, l’antre du père de la musique concrète accueille parfois un public restreint pour des concerts intimistes. Rien de tel aujourd’hui. Les personnes, une quinzaine, qui s’affairent au rez-de-chaussée ne sont pas là pour écouter mais pour favoriser l’écoute… Techniciens et aides de camp, tous n’ont qu’un objectif : assurer la diffusion en direct au fin fond de l’Australie d’une musique interprétée par Pierre Henry à sa table de mixage installée dans la cuisine…

 L’oeuvre, Paroxysmes, aurait dû être créée lors d’un concert du festival Mona Foma qui se déroule actuellement à Hobart, en Tasmanie, mais, à 84 ans, Pierre Henry ne s’est pas senti la force d’accomplir un voyage de trente heures de vol. Il a donc été décidé que seuls les images et les sons feraient ce grand saut, grâce aux moyens techniques de la chaîne Medici.tv, qui permettra à chacun de revoir le concert gratuitement pendant quatre-vingt-dix jours (http://fr.medici.tv/#!/event-pierre-henry-paroxysms).

A l’approche de l’heure H – comme Henry -, un nouveau défi se présente au compositeur. Non plus technique, mais physique. Affaibli depuis quelques jours par une forte bronchite, il a de la fièvre et respire avec difficulté. Va-t-il renoncer ?

« Allons-y ! »

Le directeur artistique du festival (Brian Ritchie, ex-bassiste du groupe underground Violent Femmes et amateur de longue date de la musique de Pierre Henry) fait savoir que rien ne s’oppose à ce que le public australien attende quelque peu le début du concert. Même à la tombée de la nuit (22 heures, sur place), il fait très bon, et les milliers de jeunes qui sont regroupés dans le hangar à bateaux où a été installé un écran géant paraissent (via la webcam) aussi décontractés que les tenues qu’ils portent.

A midi dix, Pierre Henry a repris son souffle, et il lâche : « Allons-y ! » La cuisine se vide pour ne laisser autour du compositeur qu’un cameraman (appelé avec son grand câble à rôder autour du musicien comme un fauve en laisse) et l’auteur de ces lignes, assis dans un coin sous un imposant Pee-Pod (caméra robotisée). Pierre Henry se penche alors sur sa console. Ce contact va le doter peu à peu d’une énergie que ni les médicaments ni les infusions de plantes n’ont été en mesure de lui redonner. Guidé par une oreille infaillible, le corps de l’interprète s’anime. Quelque chose le surprend sur sa gauche : Pierre Henry se tourne subitement vers un haut-parleur qu’il fusille du regard comme le ferait un chef d’orchestre avec un musicien fautif ! Plus généralement, il navigue dans un océan de sons insolites, dont quelques notes de shakuachi, la flûte japonaise, envoyés au compositeur par Brian Ritchie.

Sa feuille de route, précisément minutée, lui permet de passer méthodiquement chaque cap musical (vagues de rock, pics de techno, remous classiques) émergeant de son oeuvre, mais son activité est avant tout tactile. Pierre Henry se contente de pousser tel ou tel potentiomètre de deux ou trois millimètres, et cela change tout. Un appel tribal intempestif rentre vite dans le rang, un clapotis de pluie trop discret s’impose progressivement lors d’une séquence rythmique… La tête fortement inclinée, le buste plié en deux, Pierre Henry adopte la plupart du temps une attitude hiératique qui confère à son jeu le caractère d’une imposition des mains.

Après soixante minutes de création parfaitement maîtrisée, il remet à zéro tous les « faders » de la console et laisse longuement ses paumes à plat sur son clavier. Avec sa barbe blanche et ses cheveux ondulés, il rappelle immanquablement Johannes Brahms. Pourtant, sur la porte d’entrée de la maison c’est le nom de Richard Wagner qui a été apposé près d’une boîte aux lettres conçue dans l’esprit des accumulations d’Arman…

Pierre Gervasoni

Vent nouveau sur l’ethnomusicologie française

Enquête | LEMONDE | 16.01.12 | 14h34   •  Mis à jour le 16.01.12 | 20h45

Dans son bureau du Musée du quai Branly, Madeleine Leclair épluche L’Afrique Fantôme, de Michel Leiris, journal de bord de la mission Dakar-Djibouti menée, de 1931 à 1934, par l’ethnologue Marcel Griaule pour le compte de l’Etat français. Afin de décrire au mieux cette traversée de l’Afrique d’Ouest en Est, le dessinateur Gaston-Louis Roux avait été chargé des croquis, et André Schaeffner, directeur du département d’ethnomusicologie du futur Musée de l’homme (il sera créé en 1937), du recensement musical.

Il en est resté vingt-quatre cylindres de cire, conservés au Centre de recherche en musicologie (CREM, un département du CNRS). « Seize ont été gravés par Schaeffner. C’est à chaque fois cinq minutes de musique. C’est dire la précision, la préparation qu’il fallait pour trouver exactement ce que l’on voulait, dans des conditions techniques qui induisaient une très grande proximité avec le sujet », précise Madeleine Leclair, vice-présidente de la Société française d’ethnomusicologie et responsable de l’Unité patrimoniale des collections d’instruments de musique du Quai Branly.

Voici donc une ethnomusicologie en mouvement, dont les propres acteurs – à l’époque « montés dans les camions du colonialisme » pour reprendre les termes de Gilbert Rouget, grand nom de la discipline – deviennent de potentiels objets d’études. Les sons de l’épopée Dakar-Djibouti iront ainsi enrichir l’exposition « L’air du temps », créée en 2010 au Musée d’ethnographie de Genève, qui sera présentée de mai à octobre à l’abbaye de Daoulas (Finistère), agrémentée de références africaines et bretonnes. « Des Soeurs Goadec à Lady Gaga, les musiques se transforment, s’adaptent et révèlent autant une culture et une société », explique-t-on à Daoulas.

L’ethnomusicologie n’est donc plus une science de l’ancien, du figé. Même si le temps y compte beaucoup. Dana Rappoport, née en 1968, a passé dix-huit ans à étudier la musique et les rituels des Toraja, montagnards de l’île de Sulawesi (Les Célèbes). Elle a publié en décembre 2011 un coffret contenant 40 heures de sons et d’images placés sur un DVD-Rom ainsi que deux épais livrets. « Une sorte d’utopie dont je rêvais », dit-elle, pour répondre à deux questions : que sait-on de ces cultures, et comment vont-elles passer le XXIe siècle ?

En disant l’origine de la musique Toraja, Dana Rappoport a voulu qu’elle ne soit pas perdue pour cette Indonésie en pleine mutation, pratiquant une ethnomusicologie d’urgence, tout en étudiant les systèmes musicaux menacés de disparition. Or on a longtemps soupçonné l’ethnomusicologie française, école prestigieuse, de dichotomie.

D’une part, une ethnomusicologie formelle, qui décortique les systèmes musicaux, avec comme chef de file Simha Arom (né en 1930), grand spécialiste de la musique pygmée et des trompes de Centre-Afrique, longtemps pilier du Laboratoire des langues et civilisations à tradition orale (Lacito). « Simha Arom aura apporté une méthodologie de travail, dans la description des systèmes musicaux et leur étude comparative, dans les liens de la langue et de la musique », dit Madeleine Leclair. Ce qui a regroupé autour de ses recherches nombre de compositeurs contemporains, comme György Ligeti ou Pierre Boulez, et trouvé une suite dans les travaux de Suzanne Fürniss (CNRS-Muséum national d’histoire naturelle).

D’autre part, un courant mené par Gilbert Rouget (né en 1916), successeur d’André Schaeffner au Musée de l’homme, orienté vers une « anthropologie de la musique« , et qui du coup est plus basée sur l’urgence du témoignage pour en garder la trace. Gilbert Rouget craint que la vitesse du monde moderne n’efface son histoire. Il enregistre en 1958 à Pira, au Bénin, des chants yoruba, et d’autres encore en 1969 à Tchetti, au centre du pays.

A la fin des années 1990, Madeleine Leclair part sur les traces de Rouget à Tchetti, y note l’érosion de certains répertoires, et la constance des chants de femmes initiées. « Un exemple de pratiques figées, très rare, où rien n’a changé en cinquante ans. Ces chants sont chantés à la même vitesse, avec les mêmes paroles, les mêmes polyphonies. »

Ces croisements ont nourri la publication du premier tome d’une collection de livres-CD menée conjointement par le Musée du quai Branly et Ocora Radio France, les Voix de la mémoire (Bénin, musiques yoruba, 2CD, livret en anglais et en français). Une série d’entretiens avec des initiés réalisés en mars 2011 permettra d’enrichir l’exposition « Possession et chamanisme, les maîtres du désordre », prévue au Quai Branly en avril.

La confidentialité des recherches en ethnomusicologie n’est plus de mise, elle est crainte par les jeunes universitaires, pour qui la culture numérique et la rapidité des mélanges ne sont pas forcément synonymes de dégradation.

« De plus en plus de jeunes ethnomusicologues s’orientent sur des musiques vivantes », dit Dana Rappoport, citant Julien Mallet, chercheur à l’IRD et président de la Société française d’ethnomusicologie, qui étudie le tsapiky de Tuléar (Madagascar), jeune musique malgache jouée à la guitare électrique, mais où les rites funéraires s’invitent en abondance ; ou encore Victor Stoichita, spécialiste des musiques tziganes de Roumanie, auteur de Fabricants d’émotion. Musique et malice dans un village tsigane de Roumanie (éd. Publications de la Société d’ethnologie, 2008). Ces ambianceurs de mariages et d’enterrements citent parmi les compétences requises – qui influent sur la qualité musicale : « la ruse, la malice ou encore la diplomatie ». Stéréotype ou professionnalisme exacerbé ? s’interroge Victor Stoicha, en anthropologue.

La musique, objet d’études premier, est-elle noyée ? Le prochain séminaire organisé par le CREM, à Nanterre du 16 janvier au 20 février, pose la question par son titre, « L’ethnomusicologie à l’épreuve de l’interdisciplinarité ».

Beaucoup considèrent que ces approches multipiste sont une source de renouvellement. Ainsi, Aurélie Hemlinger, qui s’est spécialisée sur les steel bands de Trinidad et Tobago depuis 1998 – un genre qu’elle enseigne à la Cité de la Musique, tout en donnant des cours à Paris-VIII – Saint-Denis sur « l’Anthropologie des musiques émergentes ». Devenue spécialiste du patrimoine créole, « qui évolue à toute vitesse », Aurélie Hemlinger, formée à Nanterre, en dehors « des chapelles », estime que « toutes les musiques ont leur place en ethnomusicologie. » Le Sega de la Réunion comme les musiques électroniques. « La recherche ne se définit pas par un objet, mais par une méthodologie, une approche ».

Sa thèse, soutenue en 2005, va être prochainement publiée sous le titre de Pan Jumbie, mémoire sociale et musicale dans les steel bands de Trinidad et Tobago. »Pan, c’est l’instrument (un fût métallique), jumbie, c’est la traduction de zombi, qui signifie ici la passion, soit toute pratique excessive, explique la jeune ethnomusicologue réputée pour son approche cognitive. Je me suis interrogée sur la très grande facilité de mémorisation du répertoire, qui est complexe. » Les neurosciences ont leur part dans ces investigations.

Cela n’implique pas que l’on s’écarte de l' »ethnomusicologie d’urgence » toujours défendue par les africanistes. « J’ai rencontré des pionniers des steel bands, vieux, malades parfois. La tradition ne disparaît pas ; son histoire, si. Il est tout aussi urgent de les interroger que de comprendre les conditions de sa présentation.  » Anciens et modernes se rejoignent donc. « Seule exigence : la continuité du travail du chercheur sur le long terme », dit Aurélie Hemlinger. Les dix-huit ans passés par Dana Rappoport, 43 ans, à comprendre le corpus poétique et musical des Toraja en sont un exemple.