L’État islamique brûle des instruments : suite..

 le Coran tolère la musique. C’est de la propagande

Publié le 20-02-2015 à 18h42 –

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Par 
Islamologue

LE PLUS. Des clichés publiés par la branche lybienne de l’État islamique, dévoilent des instruments de musique en train de brûler. Jugés « non-islamiques » ils auraient étaient saisis et détruits, « conformément à la loi islamique ». Pour Olivier Hanne, islamologue et auteur de « L’État islamique, anatomie du nouveau Califat » (BG Éditions), c’est une charge contre l’influence culturelle occidentale.

Édité par Anaïs Chabalier

L’État islamique a publié des clichés sur lesquels ont voit des instruments de musique brûler (Photos relayées par le « Daily Mail« ).

La branche libyenne de l’État islamique, qui règne sans partage sur la cité côtière de Derna depuis l’été 2014, a publié des photos où des jihadistes détruisent par le feu des instruments de musique.

Ils brûlent notamment des caisses de batterie et des saxophones, qualifiés d’instruments « non-islamiques », sous prétexte d’obéir aux règles de la charia.

La musique a été un art de l’islam

Le Coran ne se préoccupe pourtant pas de musique, et les seules références à la musicalité dans le premier siècle de l’islam ne concerne que l’adan al-sala et le tajwîd.

L’adan est l’appel à la prière par le muezzin, qui obéit à des règles de prononciation strictes. Le tajwîd est la science de la récitation et de l’incantation des versets coraniques, sous une forme à la fois rythmée et particulièrement mélodieuse.

En dehors de ces deux coutumes, la sunna – la tradition musulmane – a longtemps été indifférente à la musique profane. Les grandes cités médiévales comme Bagdad, Damas, Cordoue, étaient même des centres de création poétique et musicale, et la cour califale accueillait une multitude de chanteurs et de joueurs venus agrémenter les divertissements du palais.

Si tout instrument était prohibé dans l’enceinte de la mosquée, en revanche, lors des fêtes religieuses, on accompagnait des hymnes pieux au son du tambourin, de la flûte et du ‘oud, la cithare arabe.

Les traditions musicales ethniques ou profanes influencèrent les sonorités religieuses, sans toucher toutefois au tajwîd et à l’adan. Les mystiques musulmans, les soufis, utilisaient systématiquement les sons mélodieux et la rythmique pour aider leurs méditations

La musique fut donc longtemps un art de l’islam.

L’instrument éloigne de la vie dévote

Pourtant, à l’instrument de musique – appelé malâhî – était associée une idée de futilité, d’amusement vain.

À compter du IXe siècle, plusieurs traités dénoncèrent les malâhî et la danse, comme une occasion de faute suscitée par le diable, car l’instrument éloigne de la vie dévote. Cette nouvelle perception se répandit rapidement et s’imposa dans tous les courants réformateurs et rigoristes.

Au XXe siècle, l’occidentalisation grandissante du monde arabe sembla donner raison aux mouvements salafistes dans le domaine musical : les rythmes américains et l’usage de leurs instruments dans le monde musulman étaient bien une preuve de la déliquescence morale et politique de l’islam.

La Turquie et l’Égypte, largement sécularisées, étaient les premières nations à accepter l’alliance avec les USA et le mélange des sonorités !

Une charge contre l’influence culturelle occidentale

La destruction de saxophones et de batteries sonne comme une charge contre l’influence culturelle occidentale et le déclin du monde musulman.

Que ce bûcher se soit produit en Libye est aussi une attaque contre l’Égypte anti-islamiste, l’Italie toute proche et contre la mémoire de Kadhafi qui aimait les divertissements, les femmes et la musique, tout en étant considéré comme un hérétique (zindîq) par la plupart des oulémas, les hommes de religion.

Les islamistes de Libye ont une visée évidemment propagandiste : ils veulent prouver que leur système obéit aux règles les plus anciennes et les plus pures de l’islam médiéval, non dévoyé par l’Occident, exactement comme le font Daesh en Syrie et en Irak et Boko Haram au Nigéria, dont le nom signifie : « L’influence occidentale est un péché »

Ces groupes ne sont toutefois pas absolument hostiles à toute musique, dès lors qu’elle respecte l’impératif de la piété.

Ainsi, tous les sites jihadistes transmettent des nashîd, des chansons de piété et de combat, réalisées sur fond de synthétiseur et de voix mielleuses, mais sans instrument de musique. Le plus fameux nashîd est l’hymne officieux de Daesh : Ummati qad laha fajrûn [1].

[1] Paroles : « Ô ma Umma, l’aurore vient d’apparaître, attends la victoire annoncée ; l’État islamique a surgi par le sang des hommes droits, l’État islamique a surgi par le djihâd des hommes pieux »

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