Racisme ordinaire dans le monde merveilleux de la musique classique

Témoignage 26/07/2014 à 13h10

Rue 89

Le hautbois de « La Danse des Nymphes », détail de la tapisserie de la Manufacture des Gobelins, XVIIe siècle (Mobilier national/Wikimedia Commons)

Le jury a fini de délibérer et les élèves sont rappelés dans la salle pour la proclamation des résultats des examens techniques. J’ai 11 ans et demi et c’est ma première année au conservatoire national de région (CNR).

Le président du jury, un homme brun et qui paraît grand, appelle les élèves un à un et donne la note obtenue accompagnée d’un petit commentaire. Il m’appelle en dernier. Je m’avance. Il sourit et me lance avec bonhommie : « Je m’attendais à entendre “Saga Africa” mais finalement, c’était très bien ! » avant de m’attribuer la meilleure note.

Autrefois élève, aujourd’hui prof, notre riveraine Lune, musicienne classique, subit depuis vingt ans des remarques liées à sa couleur de peau. Mathieu Deslandes

Sur le moment, je n’ai pensé qu’à la note, un 18 ! Mais je n’ai pourtant jamais oublié cette petite remarque assassine que l’examinateur pensait anodine.

Quatre ans plus tard, je tente l’examen d’entrée en cycle supérieur. Mon professeur étant en tournée, c’est un remplaçant qui est chargé de nous préparer à l’examen. Nous étions deux filles du même âge et du même niveau à présenter ce concours.

« Pourquoi, t’écoutes pas de reggae ? »

J’étais en cycle spécialisé en théorie musicale, je continuais à participer activement aux chorales et aux orchestres du conservatoire, je suivais régulièrement mes cours de musique de chambre baroque et venais de commencer le hautbois.

Au lieu de me voir comme l’élève motivée et engagée que j’étais, le remplaçant passe des semaines à essayer de s’expliquer la présence d’une « rasta » dans la classe. Alors que ma camarade a droit à des cours sérieux, ce seront pour moi des semaines à entendre la rengaine : « Mais toi, tu t’en fous, t’es une rasta, t’es là pour te marrer ! » Un jour, j’ose :

« Mais pourquoi une “ rasta ” ?

– Ben à cause de tes cheveux ! Pourquoi, t’écoutes pas de reggae ? »

Difficile pour lui de comprendre qu’on puisse naître noire, avoir des cheveux de Noirs, les attacher comme une Noire et écouter plus souvent Bach que Bob Marley.

Disons que je joue du « tonkatchak »…

Plus tard, élève d’un conservatoire supérieur, je joue avec un quatuor de flûtes à bec. Dans cet ensemble, je joue de la flûte à bec basse. Après un concert, une dame vient me voir. Elle me demande gentiment si ma flûte est un instrument traditionnel de mon pays, et quel est son nom.

Je me lance dans une présentation de la famille des flûtes qui ne lui convient pas, persuadée qu’elle a en face d’elle un instrument exotique, joué par une musicienne exotique. Avec un sourire condescendant, elle me rétorque que, non, cet instrument n’existe pas ici en Europe et me demande comment on l’appelle dans mon pays.

Agacée, je m’invente une vie. Je viens des îles Bermuda et je joue du « tonkatchak ». C’est tellement plus plausible qu’une Noire, française, qui joue d’un instrument classique.

« Les esclaves, c’est pour toi, ça ! »

Nous avons un professeur de chant choral qui manie l’humour raciste Banania comme personne. Dans son cours, tous les Sud-Américains s’appellent « Caramba ! ». Dans une pièce, nous avons une phrase à chanter en arabe. Un élève égyptien se charge d’en décomposer la prononciation. Quand le professeur reprend la parole, il exulte, fier :

« Vous avez bien compris, faites semblant de vomir, ça sonnera comme de l’arabe ! »

A la fin de l’année, nous chantons « Le Chœur des esclaves » du « Nabucco » de Verdi. Pendant que je chante, le professeur vient vers moi et me chuchote :

« Les esclaves, c’est pour toi, ça ! Vas-y, chante-le avec toute ton âme d’esclave ! »

J’ai en hautbois un professeur qui est une bonne vivante mais ayant des goûts et une sensibilité musicale très éloignés de la mienne. Comme l’examinateur d’autrefois, elle pratique un humour douteux qu’elle s’efforce de faire accepter. Je n’en suis pas la seule cible, un jeune élève japonais subit aussi ses traits d’esprit. Elle est capable, presque dans la même phrase, de s’indigner du racisme ambiant tout en me recommandant de faire très attention à ne jamais parler aux gens d’Europe de l’Est parce qu’ils font tous partie de groupes mafieux très dangereux.

Toujours le même procès en légitimité

Pour mon dernier examen, avant d’étudier avec elle, j’avais joué la sonate pour hautbois de Camille Saint-Saëns. Pour ma première audition dans sa classe, elle me fait jouer un petit morceau facile intitulé : « Le Rasta jamaïcain dans son champ de cannes à sucre ». (Mon collègue japonais, lui, devait jouer « Le Petit Chinois avec son chapeau pointu ».) Je ne fais pas de vagues, mais je sors de cette audition mortifiée.

Il n’y a pourtant pas, en théorie, de critères physiques pour jouer d’un instrument, mais il n’empêche que certains préjugés ont la peau dure. Parfois, pour m’éviter une discussion longue et inutile, je préfère dire aux gens que je danse ou que je fais du chant jazz plutôt que de leur expliquer mon métier.

J’ai eu la meilleure note lors de mon tout premier examen au CNR, mais aussi à presque tous les examens qui ont suivi, au CNR, puis, dans les conservatoires supérieurs où j’ai poursuivi ma formation. Si mon 9/10 à mon examen final de master a fait grincer des dents, aujourd’hui, en France, dans le monde du travail, j’ai toujours le droit au même procès en légitimité.

La Blanche catho à serre-tête

Cette année, j’enseigne dans un conservatoire. Le premier jour, je vais chercher mes fiches de présence au secrétariat. Je rentre et me présente. La secrétaire me regarde avec étonnement, et, comme l’examinateur il y a vingt ans, elle lance :

« Je savais que nous avions un nouveau professeur, je connaissais son nom, mais je ne m’attendais vraiment pas à ce qu’il soit noir ! »

Comme il y a vingt ans, ce n’était pas dit méchamment, c’était juste une remarque.

J’ai l’habitude qu’on s’étonne, en entretien, que mon visage ne coïncide pas avec mon CV. On s’attend à voir arriver une Blanche-catholique-à-serre-tête ; arrive une fille qui ressemble plutôt à la chanteuse Irma et qui prétend pourtant avoir une formation des plus classiques. Dix ans de piano, non, pas de jazz, plutôt du Chopin.

Au début, j’étais noire et à la fin, aussi

Mes élèves pensent que, comme je suis noire, je suis cool et j’ai le swag. Et si, un jour, j’arrive en retard, c’est parce que je suis noire (les Noirs ne sont pas ponctuels, vous savez).

Difficile pourtant d’accepter d’avoir travaillé toute une vie, plus que les autres, mieux que les autres, pour finalement être réduite à une couleur de peau. Nous sommes en juillet, j’ai fini mon année. Elle se finit mal, pas sur le plan pédagogique, mais sur le plan relationnel.

Une bonne âme se résout à m’expliquer que la secrétaire m’a dans son collimateur et ne rate jamais une occasion de parler en mal de moi. Je m’étonne, croyant, avec le temps, être arrivée à installer de bonnes relations avec elle. Je pensais aussi que mon travail, mes résultats ainsi que mes projets pour l’année suivante, parlaient pour moi et lui auraient fait oublier sa réserve initiale. Il n’en est rien. Au début, j’étais noire et à la fin, je suis noire et c’est toujours un problème.

Je suis poussée vers la sortie sans qu’à aucun moment il ne soit rien reproché à mon travail. Une année ordinaire, dans une vie ordinaire, dans le monde merveilleux de la musique classique.

Cœurs purs aux mains blanches

La France n’a pas toujours été aussi frileuse. Le mélomane français a aimé et célébré le jazz avant les Blancs américains, trop pétris de préjugés racistes pour reconnaître la valeur artistique de cette musique. Paris était célébrée des musiciens noirs comme une ville de liberté où ils pouvaient être artistes avant d’être noirs. Les chantres du Mouvement des droits civiques venaient à Paris faire l’expérience d’un monde où il leur semblait que leur couleur disparaissait. Après la Première Guerre mondiale, beaucoup de GI’s noirs refusèrent de quitter une France où ils avaient fait l’expérience de la liberté.

Si j’ai réussi des examens, des auditions ou ai été embauchée dans des conservatoires et autres écoles de musique, c’est bien parce qu’il y avait des gens pour ne pas se laisser impressionner par ma différence.

Mais aujourd’hui, j’en viens presque à rêver de New York, une ville où j’aurais droit à une carrière sans que ma couleur de peau ne soit constamment un frein. Ici, la musique classique, la danse classique, l’opéra – cette culture dont j’ai fait toute ma vie – sont ensemble sous une cloche de verre que seuls des cœurs purs aux mains blanches devraient pouvoir soulever. Les autres devraient se contenter de regarder.

Commentaires fermés sur Racisme ordinaire dans le monde merveilleux de la musique classique Publié dans Articles de fond

Gouvernance culturelle : un acte I en fanfare en Avignon

La Gazette des communes

Publié le 25/07/2014 • Mis à jour le 26/07/2014

• Par Hélène Girard • dans :

© Flickr CC by nd Cristian V.

A l’occasion du Festival d’Avignon, les régions ont officiellement revendiqué une «compétence obligatoire partagée» en matière de culture. Un petite bombe lancée alors que l’ensemble des associations d’élus locaux font front commun depuis 2010, pour préserver et valoriser les compétences portées en commun par les différentes collectivités dans le cadre de la clause de compétence générale. Résumé de cet épisode avignonnais, qui augure pour l’automne d’un débat fort animé.

L’Association des régions de France (ARF) a profité du Festival d’Avignon et de ses traditionnelles réunions d’élus pour avancer ses pions en matière de politiques culturelles. Ce, au moment même où le gouvernement redéfinit le périmètre de compétences des collectivités territoriales et redessine les contours des régions. La présidente de la commission « culture » de l’ARF, Karine Gloanec-Maurin (1) et le président de Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, ont réclamé pour les régions une « compétence obligatoire et partagée ». Avec, dans certains secteurs, comme les industries du livre et de l’image, une compétence « exclusive ».

Tentation du repli – Karine Gloanec-Maurin a avancé le premier pion lors de la table ronde organisée par les onze associations d’élus le 16 juillet 2014 pour débattre de l’avenir des politiques culturelles. A cette occasion, ces associations ont signé un texte commun exhortant les collectivités au « partage de l’information » et au « courage de l’imagination » pour redéfinir de « nouveaux territoires culturels ». Leur objectif est de conforter les collectivités dans leur contribution aux politiques culturelles de proximité et de conjurer « la tentation du repli ou le retrait déjà visible » de certaines collectivités dans le financement des projets. Karine Gloanec-Maurin nous a précisé la démarche de la commission « culture » de l’ARF. Jean-Jack Queyranne a pris le relais lors du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), réuni en Avignon, le 17 juillet.

Pacte culturel – Dans le cadre de cette instance, la ministre Aurélie Filippetti a proposé aux élus un « pacte culturel », dans la perspective de la nouvelle répartition des compétences qui sortira de la réforme territoriale. En clair, il s’agirait d’engager un large débat entre l’Etat et les collectivités pour poursuivre et faire évoluer la co-construction des politiques culturelles, avec les nouveaux repères définis par la loi « MAPAM » (2), par la future loi sur la délimitation des régions, en cours de discussion, et les autres textes à venir. La ministre envisage de lancer les discussions dès septembre prochain. L’ARF a d’ores et déjà travaillé sur une « contribution ».

Restaurer la confiance – Par ailleurs, à l’ouverture du CCTDC, la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) a présenté une « déclaration liminaire » signée par les onze associations d’élus (3) signataires de déclarations communes depuis 2010 (4). Ce texte rappelle l’impact prévisible, sur la culture, des 11 milliards d’euros de baisse des dotations de l’Etat aux collectivités. Il insiste aussi sur la nécessité, pour les collectivités, d’avancer « ensemble, sur des bases claires », pour « contribuer efficacement à restaurer la confiance fortement éprouvée des artistes et des professionnels des arts et de la culture, et à créer ainsi les conditions de la crédibilité de notre instance indispensable ». Même si chacun s’accorde pour dire que le rôle des collectivités en matière de culture est aujourd’hui reconnu, « nous craignons de voir remis en cause ce que nous avons construit ensemble », nous a confié Florian Salazar-Martin, nouveau président de la(FNCC).

gladiateurs

Les professionnels dans la danse – De leur côté, les professionnels comptent bien s’inviter dans le débat. A commencer par les directeurs des affaires culturelles (DAC) des régions, qui se sont placés dans le sillage des élus régionaux. Leur association – Association nationale des DAC des régions (Andacre) – a publié le 17 juillet un document faisant valoir « la capacité d’innover des régions pour prendre en compte la diversité des territoires et des publics, et le développement de filières génératrices d’emploi et d’économie. ». « Les régions doivent recevoir, avec le bloc communal, la culture comme compétence obligatoire, affirme l’Andacre sans ambages. « La compétence partagée, c’est-à-dire la possibilité pour chacun d’agir, mais aussi de ne pas agir, a vécu ! ». Elle aussi réclame une compétence « exclusive » pour les industries culturelles.

Clause de compétence générale – Les enjeux sont de taille. Car, dans les régions, une compétence obligatoire mettrait la culture sur le même pied que les transports, la formation, les lycées et le développement économique. De plus, une telle compétence, même « partagée » mettrait fin à la gouvernance de la culture à travers la clause de compétence générale, défendue jusqu’ici becs et ongles par les associations d’élus depuis 2010. De quoi, sans doute, fragiliser le front commun constitué par les onze associations d’élus. Par ailleurs, une compétence obligatoire dévolue aux régions remettrait aussi en question le rôle des directions régionales des affaires culturelles (Drac), dont beaucoup de collectivités déplorent l’affaiblissement progressif. Quant à des compétences « exclusives », elles excluraient les collectivités infra régionales de certains secteurs.

Responsabilité partagée – L’initiative des régions fait froncer quelques sourcils. A commencer par ceux des présidents de conseils généraux. L’Assemblée des départements de France (ADF), rappelle depuis plusieurs années déjà, lors des débats en Avignon, qu’il n’est pas question de se placer sous un quelconque leadership. Cette année, lors de la table ronde des associations d’élus, Claudy Lebreton, président de l’ADF, a rappelé qu’il n’imagine pas d’autre voie que « le maintien de la clause de compétence générale telle qu’elle existe aujourd’hui. » Et même « s’il y a à l’avenir un chef de filat à respecter, nous devrons y travailler tous ensemble. » Pour la FNCC, qui regroupe des élus de tous échelons territoriaux, la situation n’est pas simple. Florian Salazar-Martin ne cache guère son hostilité à l’idée avancée par les régions. Mais, prudent, il ne veut y voir qu’une proposition versée au débat à venir. A ses yeux, l’essentiel réside dans la poursuite d’une large concertation associant l’ensemble des associations d’élus et l’Etat pour pérenniser – en la faisant évoluer en fonction du nouveau contexte – la « responsabilité partagée » qu’est la culture, depuis plusieurs décennies.

Fnadac – De même, les associations de DAC vont devoir analyser et intégrer l’initiative de l’Andacre dans leur discours et leur positionnement. Leur fédération nationale, la Fnadac, prépare ses assises nationales, avec l’intention d’amener élus et professionnels à se « poser les bonnes questions » : remettre la culture au cœur du débat politique et affirmer une vision transversale des politiques culturelles, comme nous a expliqué sa présidente, Véronique Balbo-Bonneval.

Urgence – Mais pour certains observateurs, le temps presse : la dégradation du financement public des politiques culturelles appelle des réponses rapides. Telle est l’analyse de Didier Salzgeber, cofondateur de l’Institut de coopération pour la culture, qui, lors d’un débat en Avignon, a interpellé les élus pour leur rappeler « l’urgence de la situation » et pointer « décalage entre le calendrier du terrain et le texte cosigné par les élus ». Quant au chercheur Emmanuel Négrier (Centre d’études politiques de l’Europe latine, CEPEL, Université Montpellier 1), il estime que chaque mois qui passe obère l’avenir des politiques culturelles. L’universitaire propose donc une solution radicale : le transfert des ressources des Drac aux régions. Voila pour ce premier acte. Passée la trêve estivale, les associations d’élus vont rouvrir le dossier. L’acte 2 devrait se jouer, en septembre,  au sein du CCTDC, pour les discussions entre associations d’élus et ministère de la Culture.

Et les compétences départementales ?

La « disparition programmée » des départements revient comme un leitmotiv dans les propos des uns et des autres. Chacun prenant soin de rappeler l’importance de leur action, dans le cadre de leurs trois compétences obligatoires – archives, lecture publique, schémas des enseignements artistiques et culturels – mais pas seulement. Qu’adviendrait-il de ces compétences en cas de transfert aux régions d’une compétence obligatoire ? Dans une « contribution » intitulée « pour une nouvelle donne culturelle », l’ARF a déjà écrit le scénario : « un transfert [des compétences départementales] aux autres collectivités et/ou à l’Etat ». Avec une analyse au cas par cas, « selon la situation des territoires », débouchant sur un transfert, « soit au bloc communal, soit aux régions, avec les crédits et personnels afférents. » La répartition se ferait dans le cadre des futures « conférences territoriales de l’action publique » (CTAP) prévues par la loi « MAPAM ». (5) Mais, comme le fait remarquer l’ARF, les centaines de millions d’euros investis par les conseils généraux dans la création et la diffusion artistiques ou le patrimoine disparaîtraient au passage. Pour compenser cette « évaporation », l’ARF table sur « de nouveaux leviers fiscaux pour les régions ». Compte tenu de l’importance de ces compétences exercées jusqu’ici par les départements, l’Andacre préconise, pour sa part, leur reprise par « les différents niveaux de collectivités » et ce « dans un délai rapide ».

Contexte d’inquiétude dans un moment « grave »

« L’heure est grave », a martelé Philippe Laurent, ex-président de la FNCC(6), en ouvrant le débat entre les associations d’élus le 16 juillet 2014 en Avignon. La liste des motifs d’inquiétude s’allonge d’année en année, tant du côté des élus et des territoriaux que des acteurs culturels, artistes et professionnels :

  • incertitudes liées à la réforme territoriale opérée en plusieurs étapes (nouvelle gouvernance territoriale, annonce de la disparition des départements…)
  • baisse des dotations de l’Etat et des crédits de la culture
  • difficultés financières des collectivités et donc baisse des budgets consacrés aux politiques culturelles de proximité
  • fragilité du statut des artistes et crise de l’intermittence
  • affaiblissement de l’engagement de certaines collectivités en faveur des politiques culturelles

 Lien : 

Commentaires fermés sur Gouvernance culturelle : un acte I en fanfare en Avignon Publié dans Actualités

La plus ancienne partition de musique du monde en cunéiforme

http://www.actualitte.com/education-international/la-plus-ancienne-partition-de-musique-du-monde-en-cuneiforme-51311.htm

 

Pour écouter et voir les vidéos merci de cliquer sur le lien ci-dessus.

 

Quelle musique jouaient les hommes il y a 3000 ans ? La pléthore de films historiques et de péplums contemporains n’a pu qu’exciter notre curiosité…. et celle de bon nombre d’archéologues. Dans un post, le blog wfmu rappelait que la plus vieille « partition » qui nous soit parvenue venait d’Assyrie, datant de pas moins de 3500 ans… Quelques exemples de ce sur quoi dansaient nos ancêtres ! 

 

 

Reproduction de la tablette et de sa transcription

C’est dans la ville d’Ougarit (Syrie actuelle) que les archéologues avaient découvert dans les années 1950 plusieurs tablettes d’argile. Or, l’une d’elles s’avérait proposer une notation musicale vieille d’il y a 3400 ans en écriture cunéiforme. Déchiffrée par Anne Draffkorn Kilmer, professeure d’Assyriologie à l’University of California, et conservatrice du Lowie Museum of Anthropology de Berkele, la tablette proposait donc la partition complète d’un hymne religieux, aujourd’hui considéré comme le plus ancien vestige d’écriture musicale qui nous soit parvenue.

En 1972, Anne Draffkorn Kilmer proposait une transcription de la chanson tirée de ses études sur la notation, et d’un large travail sur les musiques anciennes. Celui-ci était relaté dans un livre écrit avec Richard Crocker intitulé Sounds From SilenceAccompagné de nombreuses photos, reproductions, traductions, et autres transcriptions, l’ouvrage était accompagné d’un CD où les scientifiques interprétaient les airs.

Malheureusement, celui-ci n’est pas disponible gratuitement, mais Michel Levy en a également fait un enregistrement disponible sur Youtube – qui donnera donc une idée de ce à quoi pouvait ressemblait l’hymne en son temps…

 La chanson est dans la game diatonique majeure – la plus classique en Occident.  Ainsi que le remarque Richard Fink dans un article publié en 1988, l’hymne constituerait la preuve que « la gamme diatonique de 7 notes et l’harmonie existaient déjà il y a 3.400 ans. (…)  Ce qui remet à leur place bon nombre des musicologues qui considèrent que l’harmonie étaient autrefois inexistante, voire impossible, et la gamme uniquement telle que la jouait les Grecs. »

 Richard Crocker, collègue de Anne Draffkorn Kilmer, va dans ce sens : pour lui, la découverte « révolutionnait toute la conception des origines de la musique occidentale. »

 Moins ancienne – mais tout de même vieille d’au moins 2000 ans –  la musique de la Rome Antique a suscité une myriade d’études. Parmi les travaux les plus aboutis on retrouve ceux de Synaulia, « une équipe de musiciens, archéologiques, paléontologistes, et chorégraphes qui se vouent à la pratique de leurs recherches en musique et danses anciennes. »

 Ainsi, c’est à partir de recherches iconographiques, archéologiques, ethnomusicologiques et paléontologiques, que les scientifiques et artistes ont pu reproduire les airs, recueillis dans les deux volumes de CD  Synaulia, Music of Ancient Rome. Et pour ceux qui souhaiteraient savoir sur quels airs festoyaient les Romains, ci-dessous, le travail des archéologues :

Commentaires fermés sur La plus ancienne partition de musique du monde en cunéiforme Publié dans Actualités

Les adieux de Daniel Barenboim à la salle Pleyel

MEDIAPART

Jeudi 3 juillet peu avant 20h, le vendeur à la sauvette en maraude du côté de la salle Pleyel ne fait pas recette. Aucun marché noir possible. Il me propose une place, je lui réponds que je vais en acheter une, à la dernière minute, au guichet officiel : « Vous n’y pensez pas ! C’est complet ! Daniel Barenboim ! Radu Lupu ! »

En d’autres temps, certes, il eût été impensable de venir comme une fleur écouter le chef à vie de la Staatskapelle de Berlin, Daniel Barenboim, diriger le 4e concerto pour piano de Beethoven interprété par l’un des génies du Steinway en activité (avec Grigory Sokolov et Martha Argerich) : Radu Lupu. Mais la crise est là. Crise économique. Crise des vocations : le public vieillit et se clairsème.

C’est l’heure fatidique. Une sonnerie continue vrille l’oreille. Le hall de la salle Pleyel se vide comme une clepsydre. Je file vers le responsable de la presse, lui demande une bonne place tout en exprimant le souhait de la payer : « Vous ne voulez pas être notre invité ? » « Non merci, nous sommes des ayatollahs de la déontologie à Mediapart ! » Sourire complice, compréhensif et soulagé : la vie en société, les affaires de la cité, la politique ne deviennent-elles pas plus simples et humaines quand tout quidam renonce à son passe-droit ?

91 euros après, me voici au rang L, avec vue imprenable sur Radu Lupu, qui, affaissé sur la simple chaise dont il se contente, se pose en reine des abeilles de la musique. Le son semble venir à lui, qui paraît irradier chaque note vers chacun en retour. Le 2 avril dernier, dans cette même salle Pleyel mais avec l’orchestre de Paris sous la direction de Paavo Järvi, dans le concerto n° 1 de Beethoven, j’avais cru voir en Radu Lupu un ogre. Il aimantait les musiciens, littéralement dans le dos du chef. Mais ce 3 juillet, en présence de Paavo Järvi venu se mêler au public, le pianiste offre à comprendre qu’il n’est pas un vampire ni un putschiste ; il ne conteste pas la prééminence ; il ne cannibalise rien ni personne ; il est là, s’intègre tel qu’en lui même, occupant toute sa place de musicien parmi les musiciens, allant chercher le dialogue avec la première violoncelle solo ou la petite harmonie (la flûte et les bois). Il ressemble à une immense conque, aussi réceptive qu’émettrice.

Dans l’interminable cadence de la fin du premier mouvement, tandis que l’orchestre s’est immobilisé telle une métaphore de l’audience, Radu Lupu récapitule et ouvre. Il donne l’impression de créer le concert dans le concert, tout en recousant ce qui fut entendu, tout en délivrant ce qui viendra. Le deuxième mouvement, falaise après l’abîme, lui offre l’occasion, en un jeu à la fois minéral et songeur, de faire découvrir ce que Baudelaire entendait par « rêve de pierre » dans La Beauté. Le toucher de Lupu s’apparente à une serre qui caresse, des crocs qui embrassent, une puissance qui s’incarne en tendresse. À force de recherches sur le son, le pianiste atteint la fraîcheur du fond des âges.

Daniel Barenboim obtiendra deux bis de son ami en apesanteur fraternelle ; poussant vers le clavier, telle une bête de somme, cet esprit pur au physique falstaffien.

Après l’entracte, Radu Lupu s’assoit, parmi l’assistance. Il écoute la seconde symphonie d’Edward Elgar que la Staatskappelle de Berlin au grand complet, sous la baguette de Daniel Barenboim, bâtit comme il se doit : le pèlerinage passionné d’une âme, dans le sillage de Wagner et Brahms, sous l’influence de Mahler-le-contemporain-capital. Barenboim n’impose pas une pâte orchestrale mais propose une dynamique d’individualités, avec ce mélange lumineux de rigueur et d’audace qui le caractérise. À la fin, quand il fait la bise à la première violoncelle solo, nous sommes nombreux à penser au concerto pour ce même instrument d’Elgar, qu’interprétait comme personne une étoile filante de la musique au XXe siècle, Jacqueline du Pré, qui fut la femme de Daniel Barenboim.

Après des tonnerres d’applaudissements, le musicien accompli s’adresse au public, dans un français parfait – c’est son côté Rubinstein, il parle toutes les langues –, pour faire ses adieux à la salle Pleyel, qui ne devra plus accueillir, hélas !, le moindre concert classique à partir de l’an prochain. Il faut que le parterre converge vers la Philharmonie de Paris, porte de la Villette : « Cela demandera plus d’effort mais donnera autant de plaisir », promet Barenboim aux privilégiés qui l’acclament. Les beaux quartiers se transporteront-ils jusqu’au périphérique ? Rien n’est moins sûr. Les publicités pour la salle Gaveau qui fleurissent sur les colonnes Moriss (le pianiste Ivo Pogorelich le 18 mars 2015) montrent que d’autres salles du VIIIe arrondissement espèrent drainer les récalcitrants.

Le public parisien n’a pas la ferveur silencieuse (ça tousse à tout va) ni l’expertise respectueuse (applaudissements nourris à la fin du troisième mouvement de la symphonie d’Elgar qui en compte quatre) des foules mélomanes de Londres ou de Tokyo. Dans les mois qui viennent, va se jouer, souterrainement, une tragédie musicale sur laquelle Mediapart reviendra. La bourgeoisie parisienne ne se résoudra guère à franchir l’ancien mur des fermiers généraux, tandis que la Philharmonie, salle exceptionnelle, va peiner à s’attacher dans ces confins bobos, malgré une politique tarifaire pondérée, une jeunesse perdue pour la musique classique ; faute d’avoir été formée, éduquée, entraînée à cette activité jadis destinée à qui savait lire une partition voire jouer d’un ou plusieurs instruments : le concert.

La France s’est dotée d’un « Centre Pompidou de la musique » (Pierre Boulez) après avoir asséché l’éducation artistique. Que deviendra une telle oasis dans un tel désert ? Daniel Barenboim, en mai 2015, revenu à son cher piano, y donnera quatre concerts consacrés aux sonates de Schubert. Public inchangé, public renouvelé, ou public aux abonnés absents dans une salle hors de prix (au point de grever le budget culturel de la ville), à l’acoustique unique et à l’architecture tenant du nec plus ultra ? Qui vivra entendra…

Commentaires fermés sur Les adieux de Daniel Barenboim à la salle Pleyel Publié dans Actualités